[L’Humanité Magazine] Atelier coopératif. Les agriculteurs prennent en main leurs outils de travail

Contre l’agrandissement de l’agro-industrie hors champ et la disparition des paysans au profit des machines, l’Atelier paysan encourage la résistance en proposant des formations sur mesure répondant aux besoins des travailleurs de la terre. Une belle dynamique en faveur d’une réelle indépendance se met en place
Pour Adrien, formateur ici à l’ouvrage sur une soudure, “les paysans doivent pouvoir choisir les outils qui les aideront à s’adapter au changement du climat”. Février 2022, Félines-Minervois. ©Estelle Pereira

À LIRE SUR L’HUMANITE.FR

Raphaël Valero, arboriculteur au Pays Basque

“Il faut choisir plutôt que subir sa machine”

« L’outil que je construis n’existe pas dans le commerce. Les constructeurs ont plutôt intérêt à vendre des outils très performants qui nécessitent d’avoir un tracteur super-élaboré pour s’en servir. Dans ce cas, tu signes quasiment un contrat à vie pour la maintenance.”
J’ai seulement un hectare de verger, ce qui est vraiment minuscule par rapport à ce qui se fait en arboriculture. Il me fallait un outil désherbant que je puisse réparer moi-même. J’ai acheté un vieux tracteur à 8 000 euros de 1987 – s’il y a un problème mécanique je sais que je pourrais rattraper le coup.
Quand tu achètes un tracteur à 50 000 euros, tu ne penses plus à ce que tu produis, mais juste à rembourser ton tracteur. Si tu veux vraiment travailler avec des méthodes alternatives, il faut les construire toi-même. »
Flore Godard, apicultrice dans les Hautes-Corbières

“Préserver son corps”, le premier outil de travail

« Je me suis retrouvée, il y a trois ans, avec des problèmes de malfaçons dans mon bâtiment d’exploitation. On m’a mise en rapport avec l’Atelier Paysan, qui m’a soutenue. J’ai perdu une partie de ma récolte de miel à cause de l’humidité.
Ça fait 20 ans que je suis installée en professionnelle. J’ai 200 ruches en bio et des machines pour la mise en pots. Mais j’ai pris l’habitude de porter du poids à la main, et je me suis abîmé le dos. Maintenant, je lève le pied. C’est pour cela que je fabrique des chariots roulants, pour déplacer mes ruches.
Si j’avais un conseil à donner à celles et ceux qui voudraient s’installer, c’est de penser à préserver leur corps. Mes premiers achats, j’aurais dû plus les orienter vers des outils, comme une grue pour protéger mon dos. »

David Cathala, maraîcher dans l’Aude

“Je fabrique ma machine, elle n’existe nulle part ailleurs”

« Je produis des légumes toute l’année en bio sur 5 hectares. Cela fait dix ans que je fais ça avec ma femme. Selon la saison, nous employons 4 à 7 personnes. Ce sont des métiers durs, les CDI ne marchent pas. Les gens fatiguent assez rapidement. J’ai des tendinites partout. Sûrement parce que je travaille trop.
Ce qui me plaît avec l’Atelier Paysan, c’est le partage. On a inventé une machine, mais je ne vais pas déposer de brevet. Après, s’ils veulent le mettre dans leur catalogue, ça servira à d’autres et c’est super. Finalement, je fabrique une pince à pierre beaucoup plus solide pour une prix deux fois moins important que si je l’avais acheté chez un industriel. »

Rosmaryn Staats, producteur de plantes aromatiques dans les Pyrénées-Orientales

“Une technologie adaptable à tous les paysans”

« Sur tout le pourtour Méditerranée, la production de plantes aromatiques se développe. Pour les grosses productions, le matériel existe. Pour les petites surfaces, les producteurs font tout à la main.
Je fais partie d’un projet agroécologique avec une exploitation de taille intermédiaire : travailler à la main serait trop long et nous n’avons pas envie d’investir dans de trop gros outils. Nous avons donc participé aux tests d’un nouveau prototype de machine inspirée de ce qui se fait en Inde pour la récolte de thé.
Un groupe de réflexion est né et l’Atelier paysan a embauché une ingénieure en service civique pour développer la récolteuse à PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales). Le but est qu’elle corresponde aux besoins des producteurs qui sont dans cet entre-deux et sur des terrains et climats différents. »